Manchester

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Sonore Manchester

Notre mamm couchée, côté britannique. Elle remue et roule. Formant les collines de Pennine et les flancs de Rossendale aux alentours. Les courbes l’entourant créées par un âge glaciaire de mouvements, il y a des millions d’années. Les étoiles comme témoins, qui envoyaient des clins d’œil aux dinosaures.

Elle porte une jupe triasique de grès rouge; ses poches sont pleines de gravier; un épais manteau posé sur son lit de cailloux. Elle lève une fesse pour libérer la déesse de l’eau du coin, Mamma, source secrète de son nom. Irwell, Irk, Mersey et Medlock, les voies navigables de ses membres. En souterrain, elle recèle d’autres noms.

Le « man » de Manchester laisse croire à une racine masculine, mais « man » vient du gaélique mam, qui veut dire « mère » ou « sein », et rappelle le mont, la terre bien gonflée qui supporte la forteresse y ayant été construite au temps où on l’appelait Mamucium. Dans le temps où on lui roulait sur le dos en voitures d’attelage.       

Niché dans son décolleté sans relief, ce fécond bassin a donné naissance à la très anglo-saxonne Mammceaster, l’allaitée de substitution des autres venus des siècles après l’effondrement des murs de Castlefield. Des seaux de goudron, de charbon noir et des péniches chargées de coton brut.

Sa vérité profonde ne se trouve pas dans la toponymie sens dessus dessous de son nom, mais dans le legs des gens qui s’y greffent et qui y rient, vivant dans l’étendue post-ménopausée de son corps.

Regarde cette image distraite de la ville. Les deux monts-seins en reflet de l’histoire. Les mains entrelacées qui font de Manchester ce qu’elle est :

la bénéficiaire des transactions insulaires outre-mer. La grand-mère chagossienne récemment évincée de chez elle par les Britanniques pour faire de la place à la base militaire américaine. Déplacée à l’île Maurice. Des ententes pernicieuses l’empêcheront de retourner là-bas. Sa descendance, ici, à Manny.  

Manchester qui se réveille de sa longue sieste coloniale, bross koko prête à se reconnaître. Elle voit qui lui suce le sein.

Guérir soi-même la cicatrice, là où la noix de coco a été arrachée aux branches du cocotier. Pinceau aux poils biologiques en main. La provocation et le remède de l’artiste en simultané. Voilà Manchester aujourd’hui. 

Elle sourit en pensant à toutes ces manières originales d’aplanir le « mot en C ». Cottonpolis. Surnommée dans plus de 200 langues différentes, celles qu’on parle dans cette ville de pluie, plouc-plouc, presque postcoloniale.

« On va faire un bout. Ça nous pisse dessus. »

Le ciel au-dessus de sa tête, territoire insaisissable; intouchable comme les nuages. Là-haut, l’amour gronde. Précipitant cette « scène absolue » :

un enfant saute. Dans le miroir en accéléré d’une flaque. Splash, splash. L’eau qui ondule. Une paire de bottes jaunes en caoutchouc

horizons urbains perturbés, abeilles diligentes, peupliers, arc-en-ciel

Manchester et son parapluie à 7 baleines de manifestants, de poètes réfugiés, d’artistes et de penseurs radicaux. Chez-soi pavé des suffragettes, là où la Vie des Noirs comptait pour les grévistes des moulins qui sortaient en soutien aux mouvements abolitionnistes aux États-Unis. Unité d’action prouvée scientifiquement. Le passé qui entre en collision avec le présent. Premier atome défissionné. Nouvelle génération créée. Zone libre, nucléaire : queues de dragon chinois, refrains de carnaval, grabuge, match de soccer improvisé sous une bruine amicale. Quelqu’un annonce la mi-temps.

Mancuniennes et Mancuniens pointant du doigt la poursuite contre le Royaume-Uni des insulaires qui réclament leur citoyenneté, une bourrasque qui fleure le dédommagement. Conscience des attentes positives. Récifs de coraux de l’océan Indien, heureux de pouvoir retourner là-bas. Ce à quoi on croit est concevable, conçu. « Chic, classe, style, sélect », né à Manchester.

 

Shamshad Khan

6 mars 2023

Audrey Albert

Manchester is Sound

Our “mamm” lies on her Brittonic side. She tosses and rolls. Forming Pennine hills and Rossendale slopes around her. Her outlying curves created by an ice age of movement, millions of years ago. Witness of stars that winked at dinosaurs.

Wearing a red Triassic skirt of sandstone; pockets filled with gravel; thick mantel of till lain on her pebble bed. She lifts her buttocks to release local river goddess Mamma, secret source of her name. Irwell, Irk, Mersey and Medlock, open water courses of her limbs. She culverts other names underground. 

The “man” in Manchester suggests a masculine root, but “man” came from the Celtic mam, meaning mother or breast, from mound, earth swelling that supports a Roman fortress built back when they called her Mamucium. Back when they drove over her backbone in horse drawn vehicles. 

Nestled in her flat cleavage this fecund basin gave birth to Anglo-Saxon Mammceaster, surrogate suckler of others who came centuries after the walls in Castlefield tumbled. Bowls of tar black coal and canal boats laden with hand raw cotton. 

The truth of her is exposed not in the topsy-turvy toponymy of her name, but in the heritage of the people who graft and laugh here in the post-menopausal spread of her body. 

Take this abstracted image of the city. Mirrored breast mounds of history. Interlaced hands that make Manchester who she is: 

beneficiary of island transactions overseas. Chagossian grandmother recently displaced by the British for a US military base. Expelled to Mauritius. Pernicious deals prevent return. Her descendents here in Manny. 

Waking from her colonial slumber, Manchester is a bross koko closer to acknowledgment. She sees who suckles her. 

Self-soothing the scar where the coconut was cut from the palm. Organic brush in hand. An artist’s provocation and remedy. This is Manchester now.

She smiles at the universe’s clever ways of levelling up the C word. Cottonopolis. Nicknamed in more than 200 languages spoken in this nearly post-Colonial rain-rain Rainy City.

“Angin’ mingin’, gonna have to do one, it’s pissing it down.”

The sky above her head ungrabbable territory; ungraspable as clouds. Above, love rumbles. Precipitating an “absolute scene”:

a child jumps. In a time-lapsed puddle-mirror. Splash, splash. Ripples. A pair of yellow welly boots 

disruption of skylines, industrious bees, poplar trees, a rainbow

Manchester’s 7 spoked umbrella of protestors, refugee poets, artists and radical thinkers. Cobbled home of suffragettes and where Black Lives Mattered to mill workers striking in solidarity with US slavery abolition moves. Scientifically proven unity of action. Past collides with present. The first atom un-split. The next generation built. Nuclear, freedom zone: Chinese dragon tails, carnival riffs, mela mayhem, football kick-about under a friendly drizzle. Someone calls half-time.

Mancunians flagging up the current legal case against the UK for islanders’ citizenship rights and a fair rush wind flush of compensation. Conscious of positive expectation. Resident coral reefs in the Indian Ocean rejoice their right to return there. What we believe is; conceivable, conceived. “Stush, sound, mint, buzzin,” born in Manchester. 

 

Shamshad Khan

6th March 2023

Artistes

Shamshad Khan, autrice (site)

Audrey Albert, illustratrice (site)

 

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