Angoulême

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Un plateau en éperon rocheux d’exception

Il est patent que la cité d’Angoulême a une longue existence. Si la merveille que représente la découverte archéologique d’un bloc de grès siliceux gravé qui daterait de 12 000 ans avant notre ère atteste de la présence de l’homme, autre point de départ immuable, Angoulême se nomme Iculisma jusqu’à la fin de l’Antiquité. Passé celte donc sur l’extraordinaire éperon rocheux, saut assuré dans le temps, après la guerre des Gaules, la ville est occupée par les Romains qui la rebaptisent Engolisma. Elle ne résiste ni aux Vandales au Ve siècle ni aux Wisigoths adeptes de l’arianisme. En 508, Clovis, roi des Francs, le plus fidèle allié de l’Église, les contre. Lors d’une procession, l’on parle d’un effondrement de remparts, la jambe du roi est accidentée. Les siècles se mesurent-ils au regard de la légende ? Au XIIIe siècle, lorsque de nouvelles constructions s’offrent à tous, la « jambe de Clovis » est sculptée sur un bloc de pierre visible sur une tour semi-circulaire ! Les églises bâties sous les Mérovingiens disparaissent définitivement après les invasions des Vikings. En lien, le surnom de Taillefer, obtenu par le comte Guillaume Ier lors de son exécution d’un chef viking, est transmis à sa descendance et désigne la « Maison Taillefer d’Angoulême » jusqu’en 1246. Assez ! Dévalons ou grimpons les escaliers des siècles car, comme le disait André Breton : « Le plus beau présent de la vie est la liberté qu’elle vous laisse d’en sortir à votre heure. » 

De l’an mil à la fin de la guerre de Cent Ans, Angoulême tient son rang de capitale de l’Angoumois. L’on doit à Girard II le « chef-d’œuvre monumental » de la cathédrale, notamment la coupole et la façade dont ses splendides sculptures en bas-relief. Courez y voir, proche du portail d’entrée, le linteau inspiré de la Chanson de Roland ! Autre épisode envoûtant ! Angoulême « donne » une reine à l’Angleterre ! Disons plutôt qu’on la lui prend ! Le roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine Jean sans Terre, dernier fils d’Henri II, enlève Isabelle (v. 1186-1202), âgée de treize ans, fille d’Aymar II Taillefer, comte d’Angoulême, en 1200, le jour de ses noces avec Hugues IX le Brun, de la Maison de Lusignan. Les Plantagenêts dominent alors la région. Isabelle donne naissance au futur roi d’Angleterre sous le nom d’Henri III. Au milieu du XVe siècle, Angoulême est à rebâtir, la région dévastée. En 1445, le comte d’Angoulême Jean d’Orléans est de retour de captivité d’Angleterre, « passeur » de la Renaissance, disposant d’un goût prononcé pour les Lettres, d’une sainteté hors du commun, il épouse Marguerite de Rohan. Leur fils Charles se marie à Louise de Savoie qui lui donne deux enfants : Marguerite (1492-1549) et François (1494-1547). 

Ici, point de mystère ! Sans détour, c’est l’heure des Valois à Angoulême ! François 1er devient roi de France en 1515 en épousant Claude de France, la fille de Louis XII. Marguerite d’Angoulême devient reine de Navarre après son mariage avec Henri d’Albret. Elle représente l’une des femmes de culture les plus remarquables de son temps. Son influence est capitale, entre appui à Guillaume Budé pour la création du Collège de France en 1530 et impulsion décisive à Angoulême à travers le développement de la papeterie. Son œuvre littéraire la plus connue s’intitule L’Heptaméron en 1549. Autre charge historique ! Ravaillac, domicilié rue des Arceaux à Angoulême, lié aux ligueurs de la ville, contre l’Édit de Nantes (1598), assassine le roi Henri IV, rue de la Ferronnerie à Paris, le 14 mai 1610. Aux côtés du souverain exécuté, trouble coïncidence, se tient le duc d’Épernon, gouverneur de l’Angoumois ! Ainsi a lieu le dernier acte angoumoisin des guerres de Religion en France. 

Grande ellipse temporelle ! Angoulême au XVIIIe siècle affirme un formidable redressement économique. Le port de l’Houmeau est dans un bouillonnement fantastique : papier et canons avant tout ! Mentionnons, au siècle des Lumières, l’illustre épistolier Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654) qui a donné son nom au plus ancien lycée de la ville. Angoulême marquera-t-elle la Révolution de 1789 ? Par son modérantisme ! Enchaînons ! Cavalons jusqu’au XIXe siècle, celui des grands bouleversements ! Sous la Restauration, la monarchie de Juillet, l’architecte Paul Abadie père (1783-1868) conduit une série de travaux d’envergure telle la construction du palais de justice et de la préfecture. Construction de la gare d’Angoulême en 1839. Paul Abadie fils (1812-1884) modifie la façade de la cathédrale, ordonne, entre autres, la démolition de chapelles latérales, de l’ancien clocher. Sa plus grande œuvre demeure la construction de l’hôtel de ville inauguré en 1868, pour cela 80 % du château comtal est détruit ! La tour Lusignan et la tour Marguerite sont sauvées. Pendant les années de la Belle Époque, la papeterie comprend une croissance inouïe. Les entrepreneurs Lacroix et Bardou laissent leur empreinte des décennies entières. 

Raccourci ! La Première Guerre mondiale éclate. La poudrerie nationale d’Angoulême et la fonderie de Ruelle sont deux centres de production spécialement ambitionnés par les autorités. Dans l’entre-deux-guerres, les papiers à cigarettes Riz La Croix et Le Nil connaissent un succès international ! Enchevêtrement de faits historiques pendant la Seconde Guerre mondiale : Angoulême est en zone occupée, le 28 juin 1940, des SS se présentent par la route de Paris ; le 20 août 1940, part de la gare « le convoi des 927 », des républicains espagnols vers les camps d’extermination nazis ; le 8 octobre 1942, c’est la rafle de 422 personnes juives. Éclipsons les Trente Glorieuses ! En 1974, c’est le premier Festival de la bande dessinée ! Capitale internationale de la BD, reconnue « ville créative » de l’UNESCO en 2019, Angoulême accueille la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image depuis 2008. Au bord du fleuve La Charente se situent les Chais Magelis reliés par la passerelle au vaisseau Moëbius, sur les remparts de la vieille ville se trouve la maison des auteurs. Son campus de l’Image, plusieurs écoles et formations spécialisées font d’Angoulême un pôle d’excellence pour les métiers en relation avec l’image. En 2023, Angoulême fêtera la 51e édition du Circuit des Remparts, la 16e du Festival du Film Francophone. Sous son air rêveur, la ville, qui aime se présenter comme le « balcon du Sud-Ouest », au passé historique extraordinaire, portée au jour dans les Illusions perdues d’Honoré de Balzac, adopterait volontiers cette citation de Stéphane Mallarmé : « Si tu veux nous nous aimerons/Avec tes lèvres sans le dire » !

Laurine Rousselet

Léa German

A Unique City Perched on a Rocky Spur

Clearly, Angoulême has been around a long time: the discovery of a block of sandstone covered in engravings points to the presence of human activity dating back 12,000 years. Called Iculisma until the end of Antiquity, this city with a Celtic past was built onto an extraordinary rocky spur. After the Gallic Wars, the city was occupied by Romans who renamed it Engolisma. It fell to the Vandals in the 5th century, followed by the Visigoths, who practiced Arianism. In 508, it was besieged by Clovis, king of the Franks and the church’s greatest ally. During the conflict, a section of the ramparts collapsed and injured the king’s leg. Do the centuries measure up to the legend? In the 13th century, as new buildings were being constructed, the “leg of Clovis” was carved into the wall of a stone tower. The churches constructed under Merovingian rule disappeared after the Viking invasion. The name Taillefer (Iron-cutter), which Count Guillaume I earned for his deft execution of a Viking chief, was passed on to all of his descendants; history refers to the “House of Taillefer d’Angoulême” until 1246. But enough of all that! Let us climb through the centuries since, as André Breton once said, “Life’s greatest gift is the freedom it leaves you to step out of it whenever you choose.” 

From the year 1000 to the end of the Hundred Years’ War, Angoulême was regarded as the capital of Angoumois. Girard II ordered the construction of the cathedral, a masterpiece known for its dome and elaborately sculptured façade. Note the lintel, located near the entrance, with depictions from the “Chanson de Roland.” Another captivating episode in Angoulême’s history was when it “gave” a queen to England—or rather, England took her! In 1200, the King of England and Duke of Aquitaine, John Lackland, youngest son of Henry II, kidnapped 13-year-old Isabelle (c.1186-1202), daughter of Aymar II Taillefer, Count of Angoulême, the day she was to be married to Hugh IX of Lusignan. During this time, the Plantagenets dominated the region. Isabelle later gave birth to the future king of England, Henry III. In the middle of the 15th century, the region was devastated and Angoulême had to be rebuilt. In 1445, Jean of Orléans, Count of Angoulême, returned from captivity in England. A great patron of the Renaissance known for his keen interest in literature and an uncommon sanctity, he married Marguerite de Rohan. Their son Charles married Louise de Savoie, who bore him two children: Marguerite (1492-1549) and François (1494-1547). 

From here, it becomes unclear how, but Angoulême is given over to the Valois family. François I becomes King of France in 1515 when he marries Claude of France, daughter of Louis XII. Marguerite of Angoulême becomes Queen of Navarre after her marriage to Henri d’Albret. Known as one of the most remarkable women of her time, she is instrumental in helping Guillaume Budé create the Collège de France in 1530 and leaves a decisive mark on Angoulême due to her involvement in the paper industry. Her most notable literary work, the Heptameron, was published in 1549. More notable history! François Ravaillac, a zealot living on the rue des Arceaux in Angoulême who opposed the Edict of Nantes (1598), assassinated King Henri IV on rue de la Ferronnerie in Paris on May 14, 1610. In a strange coincidence, the murdered sovereign was seated beside the Duke of Épernon, governor of Angoumois, an act that closed out Angoumois involvement in France’s religious wars. 

Skipping ahead to the 18th century, Angoulême experiences a tremendous economic recovery. The port of l’Houmeau is buzzing with activity: paper and cannons abound! Let’s not forget about the Age of Enlightenment and the illustrious author Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654), best known for his epistolary letters, after whom the city’s oldest high school is named. Did Angoulême play a role in the 1789 revolution? Surely with its moderatism! Moving on! Let’s dash over to the 19th century, with its many upheavals. During the great restoration and the July Monarchy, architect Paul Abadie Sr. (1783-1868) led a series of large-scale projects including construction of the Palais de Justice and prefecture, along with Angoulême’s train station in 1839. Paul Abadie Jr. (1812-1884) modified the cathedral’s façade and ordered, among other things, the demolition of the side chapels and old bell tower. He is best known for designing Angoulême’s Hôtel de Ville (1868), destroying 80% of the castle in the process! The Lusignan and Marguerite towers were saved. During the Belle Époque, the paper industry experienced unprecedented growth. Entrepreneurs Lacroix and Bardou leave their mark for decades to come. 

Cut to: World War I. The national powder factory at Angoulême and the de Ruelle cannon foundry are two production centres commissioned by the government. During the period between world wars, Riz La Croix and Le Nil cigarette rolling papers become known worldwide! A jumble of events during World War II: Angoulême becomes part of the occupied zone when SS officers arrive from Paris on June 28, 1940. On August 20, 1940, “convoy 927” departs the Angoulême train station carrying Spanish Republicans towards Nazi extermination camps. On October 8, 1942, 422 Jews are arrested and deported. Let’s skip over Les Trente Glorieuses (The Glorious Thirty) and into 1974, when Angoulême hosts the first Comics Festival! The international comic book capital was named a UNESCO “Creative City” in 2019, and the city has hosted the Cité international de la bande dessinée et de l’image since 2008. A pedestrian bridge over the river Charente links the Chais Magelis to the Vaisseau Moëbius, and the old city is home to La Maison des auteurs. Angoulême becomes a major hub for creators of all things related to the image; it is the site of several schools and training programs. In 2023, Angoulême is hosting the 51st edition of the Circuit des Remparts and the 16th Francophone Film Festival. This dreamy city with an extraordinary history, nicknamed the “balcony of the Southwest” and featured in Honoré de Balzac’s Lost Illusions, would gladly adopt this quote from Stéphane Mallarmé: “If you wish we will love each other/With your lips without saying it”!  

Laurine Rousselet

Artistes :

Laurine Rousselet, autrice (site, Babelio)

Léa German, illustratrice (Babelio, Facebook, Instagram)

 

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