Où voyage la lumière

Où voyage la lumière est un film photographique réalisé par Guillaume D. Cyr et La maison de la photo de Québec en collaboration avec l’autrice Vanessa Bell. Ce court-métrage combine photographies d’archives (issues des Archives de la Ville de Québec, du MNBAQ, de BAnQ et de la collection de Patrick Altman) et images contemporaines (Éric Côté et Roger Côté), avec une création photographique originale en couleurs de Guillaume D. Cyr inspirée des disques View-Master. Cette œuvre poétique et sensible propose un voyage visuel à travers 150 ans de mémoire collective, entre identité et imagerie patrimoniale.  

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L’autrice de Québec Vanessa Bell accompagne les images d’un poème qui superpose les époques dans une fresque historique et personnelle. Elle explique ici sa démarche :

« À l’image du travail fait par Guillaume D. Cyr, porteur du projet Où voyage la lumière, j’ai cherché à superposer les époques et les histoires dans une fresque historique et personnelle. 

Petite, j’allais chaque fin de semaine avec mes parents au Vieux-Port. Nous arrêtions au dépanneur, acheter un pain ranci et marchions de Limoilou au fleuve pour nourrir les goélands. C’était avant que la chose soit interdite et que les nids soient détruits. Adolescente, je fréquentais assidument les antiquaires de la rue Saint-Paul. Les objets déposés dans mes mains par les passionnés qui tenaient boutique ont été le début de mes premiers récits. C’est l’un deux, alors que j’avais douze ans, qui m’a parlé des bouquinistes de la terrasse Dufferin et c’est ainsi – toujours accompagnée de ma fidèle bicyclette – que j’ai découvert Camus, Tolstoï, Duras et tant d’autres. Ce fut également le début de la nouaison entre écriture et exercice physique. Plus tard, j’ai travaillé dans le Petit Champlain. J’ai entendu tant de fois les guides répéter l’histoire du quartier que je pouvais à mon tour la faire vivre auprès des clients qui s’asseyaient à mes tables. Puis, ma tante et ma cousine ont repris les rennes du Buffet de l’Antiquaire où j’ai travaillé quelques années. C’est dans cet endroit que je me suis définitivement enraciné non pas dans l’histoire mais dans les histoires du quartier, des gens qui y travaillent, qui y vivent, qui y passent, qui en font un secteur unique toujours vibrant malgré le déplacement du Marché et la fermeture de plusieurs commerces de proximité. 

Lorsque Guillaume m’a contactée pour prendre part à cette célébration, c’était une évidence pour moi d’accepter son invitation. C’était une occasion extraordinaire de mailler histoires personnelles, familiales et transmises, d’en inscrire le souvenir dans la grande Histoire qui fait que le Vieux-Québec célèbre en 2025 le quarantième anniversaire de son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Puisque que Québec porte la désignation de Ville de littérature UNESCO, j’ai également voulu travailler à partir des recherches exhaustives de la Dre Marie-Ève Sévigny qui signe les pertinents textes du Rallye Vieux-Québec littéraire. En 2021, j’ai eu la chance de partager avec elles et d’autres autrices de la ville une résidence d’écriture au Monastère des Augustines dont les archives sont inscrites au Registre international de la Mémoire du monde de l'UNESCO, reconnaissant par le fait même la valeur exceptionnelle de ce matrimoine documentaire. C’est à partir de ce bagage et des fascinantes photos d’époque que j’ai sculpté le matériel littéraire de ce poème inédit, quelque part entre rêveries et faits historiques. J’ai voulu que les gens de la ville puissent entendre les bruits du quartier, y reconnaître leur histoire. J’ai voulu que les visiteurs puissent s’imaginer les quais et leur vie débordante, d’hier à aujourd’hui, en été comme en hiver.  

Parce que Kébec est héritière de la langue Anishinaabe et de plus d’histoires que celles qui sont écrites, parce que là où le fleuve se rétrécit, une main se tend vers l’autre. »

une chose à savoir est que les quais étaient en bois les débardeurs y passaient leur vie d’autres ne faisaient qu’y étrenner un costume un amour les prémices d’une aventure  

en été le soleil chauffait les planches et la brise lorsqu’elle venait de l’est charriait les dernières pointes de sel cueillies à l’île l’odeur existe encore certains jours de grandes croisières ou de marée haute  

au marché champlain les chevaux faisaient état de leurs muscles pour que circulent les vivres aussi aisément que les enfants dans la mer de robes et d’ombrelles qui se pressaient autour des marchands  

au début de l’année le fleuve tournait en glace de bord en bord l’alcool faisait naître de nouvelles paroisses les gens du nord du sud rassemblés le temps de faire commerce ou de célébrer une union à l’ombre du château gardien de la beauté dressé d’un port royal toutes époques confondues  

sur sa terrasse les bouquinistes ont gavé le lieu d’histoires du monde et le monde entier est venu entendre les ursulines les augustines puis tous les grands de la littérature qui ont aimé québec comme on aime pour la première fois noircissant fiévreusement des centaines de pages nourrissant un écrin pour ceux à leurs suites qui des quartiers populaires jusqu’aux enceintes ont écrit les trajectoires fantomatiques mais grandioses des architectes du cap diamant des escaliers casse-cou menant aux eaux boueuses du port où la lumière chante et où on passe sous les toits et les portes et les arches un espoir dans les poches un baiser en promesse 

vanessa bell 

Ce projet a été rendu possible grâce à l’Entente de développement culturel convenue entre la Ville de Québec et le gouvernement du Québec.